Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour ceux de la réflexion et pour ce féroce endurcissement du cœur qui est le dernier degré du vice ; mais il poursuit avec moins de rigueur les crimes des passions. » Ainsi les infortunés que tu as rencontrés dans le vestibule des Enfers sont avec justice séparés de ces races maudites sur qui le ciel épuise toute sa sévérité.

— Ô vous, lui répondis-je, qui dissipez mes doutes, vous faites ainsi, pour mon œil satisfait, briller la vérité dans les ombres de l’erreur ! Mais, illustre sage, je n’ai pu concevoir comment l’usure offense la divinité même ; daignez encore rompre ce premier noeud.

— Écoute donc, reprit-il, ce que la philosophie te crie sans cesse : « La nature découle de l’essence de Dieu même qui lui donna des lois. » Or, si tu suis les maximes de cette philosophie, tu reconnaîtras que les lois humaines empruntent leur faible éclat de ces lois éternelles du monde, et que l’homme a été le disciple de son Dieu. Ainsi par le droit de son origine la sagesse de l’homme, seconde fille du Ciel, ira s’asseoir entre la nature et son auteur [5]. C’est cette sagesse, science de la vie, que les livres sacrés donnent aux peuples naissants pour fondement des sociétés ; mais l’infâme usurier, abjurant cette raison, outrage également et la nature et l’ordre qui naquit d’elle [6]. À présent, suis mes traces,