Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/144

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contours de cette noire enceinte ; et bientôt après des Centaures [3] armés de flèches, tels qu’on les vit jadis dans nos forêts, coururent en foule sur ces rivages sanglants.

Ils s’arrêtèrent à notre aspect, et trois d’entre eux s’étant avancés, l’arc en main, le premier s’écria, en nous menaçant de ses traits :

— Ô vous qui descendez le précipice, parlez de loin, et dites-nous à quel supplice vous allez !

— Nous répondrons à Chiron, dit mon guide, quand nous serons plus près de lui : mais toi, modère cette fougue qui eut jadis un si triste succès.

Alors le poëte m’avertit que c’était là Nessus, celui qui, mourant pour la belle Déjanire, s’assura d’une prompte vengeance [4]. Chiron, maître d’Achille, suivait tout pensif ; et Pholus [5], le plus furieux des Centaures, était à ses côtés. On voit ces monstres parcourir légèrement les bords du fleuve, et percer de leurs traits les âmes qui se soulèvent hors des flots où le sort les plongea.

Quand nous fûmes près d’eux, Chiron agita son arc, et releva la barbe épaisse qui ombrageait ses joues. Bientôt, ouvrant sa bouche démesurée :

— Avez-vous vu, dit-il à ses compagnons, celui qui s’avance ? Les pierres roulent sous ses pas ; on ne les voit point ainsi fuir sous les pieds des morts.