Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/154

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chaque tronc aura son cadavre, éternel compagnon de l’âme qui le rejeta [4].

Nous écoutions encore les derniers accents de l’ombre, et tout à coup un grand bruit frappa mes oreilles. Il était pareil à celui que le chasseur entend dans les forêts quand le sanglier, fuyant les chiens aux abois, heurte les chênes et fait frissonner leur feuillage ; et bientôt nous découvrons à notre gauche deux malheureux nus et déchirés, rapidement emportés à travers les arbres qui s’opposaient en vain à leur fuite impétueuse [5]. Nous entendions les cris du premier :

— Ô mort, ô mort, je t’implore !

Et l’autre, qui suivait d’une course moins légère, lui disait :

— Ô Lano [6] ! ce n’est pas ainsi que tu fuyais aux champs d’Arezzo.

Mais tout à coup l’haleine lui manqua, et nous le vîmes tomber et se traîner sous un buisson.

Cependant une meute de chiennes noires, affamées et légères comme des lévriers échappés de la chaîne, remplissaient la forêt sur leurs traces : elles se jetèrent en fureur sur celui qui haletait dans le buisson ; et, l’ayant déchiré entre elles, en emportèrent les membres palpitants.

Alors mon guide me prit par la main, et s’avança vers le buisson tout sanglant, qui poussait des cris lamentables.