Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/47

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Je ne puis rappeler le moment où je m’engageai dans la forêt périlleuse,

tant ma léthargie fut profonde ! mais je marchais avec effroi dans des

gorges obscures, lorsque j’atteignis le pied d’une colline qui les terminait ; et, levant mes yeux en haut, je vis que son front s’éclairait déjà des premiers rayons de l’astre qui guide l’homme dans sa route [2].

Alors mon sang, qu’une nuit de détresse avait glacé, se réchauffa dans mes veines ; et comme celui qui s’est échappé du naufrage, et qui, tout haletant sur le bord de la mer, y tourne encore les yeux et la contemple, ainsi je m’arrêtai, et j’osai sonder d’un œil affaibli ces profondeurs d’où jamais ne sortit un homme vivant.

Après avoir un peu reposé mes membres épuisés, je commençai à gravir péniblement cette côte solitaire ; mais à peine je touchais à ses bords escarpés, qu’une panthère, peinte de diverses couleurs, sauta légèrement dans mon sentier, et me défendit si bien l’approche de la colline, que je fus souvent tenté de retourner en arrière.

Le jour naissait, et le soleil montait sur l’horizon, suivi de ces étoiles qui formèrent son premier cortége lorsqu’il éclaira d’abord le prodige de la création [3]. Cette saison fortunée, le doux instant du matin, et les couleurs variées de la panthère me donnaient quelque confiance ; mais elle fut bientôt trou-