Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/75

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de cette compassion que tu prends pour l’épouvante. Allons, nos moments s’écoulent, et la longueur du voyage nous presse.

Aussitôt il s’avance, et je descends après lui sur le premier cercle dont le contour embrassait l’abîme.

Là, mon oreille fut troublée, non des cris, mais des soupirs dont l’antique nuit était sans cesse émue : c’est là qu’une foule d’époux, de mères et d’enfants, étaient plongés dans un deuil éternel.

— Tu ne demandes point, me dit le sage, quelles sont ces âmes : apprends qu’elles n’ont point péché, et que le courroux du Ciel les épargna ; mais la plupart n’ont pas reçu l’eau salutaire qui lave les enfants de Christ ; et celles qui vécurent avant les jours du christianisme n’ont pas honoré le vrai Dieu du culte qu’il demande. Moi-même, je suis avec elles perdu pour avoir ignoré, et malheureux d’avoir sans cesse le désir et jamais l’espérance.

Ces paroles remplirent mon cœur d’une grande amertume ; car j’avais reconnu, parmi ces ombres errantes, des personnages vertueux et renommés, et, pour augmenter en moi cette lumière qui dissipe la nuit de nos erreurs :

— Apprenez-moi, dis-je à mon guide, si jamais un seul de vous a pu, par sa propre vertu, ou par une assistance étrangère, re-