Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/109

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Le Stricca s’était rendu un des plus recommandables par ses prodigalités.

[8] Nicolo passa pour un Lucullus pour avoir employé le premier les épices dans les ragoûts. Il composa un livre où il développa ses principes, et on appela sa cuisine la riche mode ; d’où on peut conclure qu’avant lui on mangeait la viande sans épices, et que le boeuf à la mode, aujourd’hui si bourgeois, fut jadis un fort grand luxe.

[9] L’Abaillat et Caccia d’Ascian, deux autres prodigues.

[10] Capochio avait étudié avec Dante. Il commença par des recherches sur la pierre philosophale, et finit par être faux monnayeur.

Quoique Dante ait bien établi la hiérarchie des vices, on doit s’apercevoir qu’il n’a pu graduer leurs punitions dans un ordre aussi évident : car ce sont les lois et la morale qui ont décidé de la gravité des crimes, et c’est l’imagination qui apprécie la rigueur des supplices ; aussi quelques personnes seront peut-être plus frappées des premiers tourments que des derniers, contre l’intention du poëte. Il faut donc, pour adopter ses divisions, se prêter à toutes les illusions qu’il nous offre ; et puisqu’il rembrunit de plus en plus ses couleurs, se pénétrer aussi de plus en plus de la terreur dont il environne chaque supplice.

Toute illusion disparaîtrait en effet, et il n’y aurait plus de poésie si on jugeait cet ouvrage de sang-froid. L’éternité étant également attachée à tous les tourments, qu’importe à notre raison que ce soit par la glace ou par le feu qu’on souffre ? D’ailleurs, pourquoi classer les réprouvés ? Un homme n’est point coupable d’un crime à l’exclusion de tous les autres ; un avare a pu être encore gangrené de beaucoup d’autres vices : il faudra donc qu’il se montre dans plusieurs cercles de l’Enfer, toujours le même, et toujours différemment tourmenté ? Enfin, ces divisions perpétuelles amenaient nécessairement des formes