Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/15

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core, tandis que les troncs ensevelis pendent à la voûte souterraine. Des langues de feu s’attachent à leurs pieds renversés ; elles en parcourent la surface comme la flamme qui vacille dans un vase en léchant ses bords onctueux [3].

Je regardais ces pieds allumés qui se levaient et se baissaient précipitamment, qu’il n’est pas de liens dont ils n’eussent brisé les noeuds.

— Maître, disais-je, quel est celui dont les flammes plus irritées s’agitent plus violemment ? Ne pourrai-je entendre le récit de ses crimes et de ses maux ?

— Si tel est ton désir, reprit le sage, je descendrai et je te porterai au fond de la vallée, et là tu interrogeras le coupable.

— Ô bon génie ! lui répondis-je, vous connaissez les vœux secrets de mon cœur ; toujours ses désirs ont fléchi sous vos volontés.

À ces mots, nous descendîmes légèrement dans l’enceinte profonde, à travers les feux qui l’éclairent, et mon guide me déposa près de celui qui donnait, par ses mouvements convulsifs, le signe de douleur immodérée.

— Qui que tu sois, lui dis-je alors, triste fantôme qui n’offres plus que des tronçons renversés, réponds, si tu peux, à ma voix.

En parlant ainsi, j’étais comme le prêtre consolateur qui se penche vers la fosse d’où l’homicide assassin le rappelle encore pour