Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/77

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mon père, et l’amour de Pénélope, qui dut faire son bonheur et le mien : je m’engageai dans la haute et pleine mer avec un seul vaisseau et quelques compagnons qui me furent toujours fidèles. Nous vîmes le double rivage de l’Ibère et du Maure, parcourant et visitant les îles dont ces mers sont peuplées, et nous étions déjà consumés de travaux et d’années quand nous parvînmes au détroit où le grand Hercule termina sa course et posa les bornes du monde. « Ô mes amis ! m’écriai-je, qui par tant de périls êtes parvenus enfin à ce dernier terme des routes du soleil, ne refusez pas au crépuscule d’une vie qui vous échappe la gloire de le suivre encore vers des mondes inhabités. Vous n’êtes pas nés pour ramper sur la terre, mais pour vous élever aux grandes découvertes par les sentiers de la vertu. » Ces courtes paroles remplirent mes compagnons d’une telle ardeur, que, laissant à jamais les contrées du matin, ils inclinèrent le gouvernail au midi, et le vaisseau poursuivit son vol occidental. Déjà l’étoile du nord se cachait sous les eaux, et la nuit nous montrait un autre pôle et d’autres cieux ; déjà la lune avait cinq fois rallumé ses clartés, depuis que l’Océan nous reçut dans son sein, lorsqu’une montagne obscure et perdue dans l’éloignement nous apparut : elle me semblait si haute que mes yeux ne pouvaient lui rien comparer. Nous nous réjouissions à sa vue