Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/140

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CHANT TROISIÈME


Quoique la fuite soudaine eût dispersé ceux-là dans la campagne, vers le mont où la raison [1] nous châtie, je m’attachai à mon fidèle compagnon. Et comment sans lui serais-je allé ? Qui m’eut aidé à gravir la montagne ? Il me paraissait s’accuser lui-même. O conscience délicate et nette, combien d’une légère faute, amère t’est la morsure !

Lorsque ses pieds eurent suspendu la hâte qui de tout acte bannit la dignité, mon esprit, resserré auparavant [2], élargit la vue au gré de ses désirs, et je dirigeai mes regards sur le sommet qui, au-dessus des eaux [3], le plus s’élève.

Le soleil dardait derrière moi des flammes rouges, qui, devant le visage se rompaient, mon corps arrêtant ses rayons. Je me tournai de côté, dans la peur d’être abandonné, voyant la terre devant moi seul obscure. Et mon Reconfort : — « Pourquoi cette défiance ? dit-il, quand je me fus tout à fait retourné. Ne sais-tu pas que je suis avec toi, et te guide ? Il est le soir déjà là où est enseveli le corps dans lequel je projetais l’ombre [4] : enlevé de Brindes, Naples le possède. Que si par moi rien maintenant ne s’adombre, ne t’en étonne pas plus que des cieux, où aucun rayon n’arrête un autre rayon. Une puissance qui ne veut pas que le comment, nous soit révélé, à souffrir les tourments du feu et du gel, dispose de semblables corps. Insensé qui espère que notre raison puisse parcourir la voie infinie que tient une substance en trois personnes ! Humains, contentez-vous du pourquoi. Si vous aviez pu tout voir, il n’était pas besoin que Marie enfantât. Et tels avez-vous vu désirer sans fruit, à qui, pour leur être à tristesse

  1. La Justice divine.
  2. Dans une seule pensée, la crainte de perdre Virgile.
  3. Des eaux qui baignent le pied du mont.
  4. Mantoue, patrie de Virgile.