Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/256

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forêt, si avant qu’à ma vue elle déroba [1] la courtisane et la nouvelle bête.


CHANT TRENTE-TROISIÈME


Deus venerunt gentes [2] chantant à deux chœurs, ores trois, ores quatre, les Dames en pleurant commencèrent une douce psalmodie. Et avec de pieux soupirs Béatrice les écoutait, si défaite, que près de la croix peu plus ne l’était Marie.

Mais, lorsque les autres vierges ayant cessé, elle put parler, se levant droite en pieds, rouge comme le feu elle répondit : Modicum, et non videbitis me ; et, iterum, mes sœurs bien-aimées, modicum, et vos videbitis me [3]. Puis elle les fit toutes sept passer devant elle ; et après elle seulement d’un signe, elle mut moi, et la Dame [4], et le Sage [5] qui s’était arrêté. Ainsi allait-elle ; et je ne crois pas qu’elle eût achevé le dixième pas, lorsque ses yeux frappèrent mes yeux ; et d’un visage tranquille : « Viens plus près, » me dit-elle, « assez pour que, si je te parle, tu sois bien à portée de m’entendre. » Lorsque je fus à la distance où je devais être d’elle, elle me dit : « Pourquoi désormais, venant avec moi, n’oses-tu me faire de demande ? » Comme

  1. Littéralement : Que seule elle me fait un bouclier contre, etc. Le mot bouclier est pris ici dans le sens d’un obstacle qui empêche de voir.
  2. Les nations, ô Dieu, sont venues dans ton héritage et elles ont souillé ton saint temple. — Dante applique ces paroles du Ps. 78 à la translation du Saint-Siège, dont le temple était l’image ; et il les fait chanter alternativement par deux chœurs formés, l’un des trois Vertus théologales, l’autre des quatre Vertus cardinales.
  3. Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus ; mais de nouveau encore un peu, de temps, et vous me verrez. — Paroles de Jésus-Christ à ses Apôtres, en leur annonçant qu’il allait les quitter, mais que bientôt après ils le reverraient.
  4. Mathilde.
  5. Stace.