Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/317

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CHANT QUINZIÈME


Une bénigne volonté, dans laquelle toujours se manifeste l’amour qui droitement inspire, comme dans une mauvaise la cupidité, imposa silence à cette douce lyre, et fit reposer les saintes cordes que la droite du ciel [1] relâche et tend.

Comment à de justes prières seraient-elles sourdes, ces substances qui, pour me donner le désir de les prier, se turent de concert ?

Bien est que sans fin pleure, qui, par amour de ce qui ne dure pas éternellement, de ce droit amour se dépouille. Tel que dans le ciel tranquille et pur, quelquefois court subitement un feu, qui meut les yeux auparavant en repos, et semble une étoile qui change de lieu, si ce n’est qu’en celui où il s’allume aucune ne se perd, et que lui dure peu. Tel, du bras qui s’étend à droite, au pied de cette croix courut un astre de la constellation qui là resplendit : et de son ruban [2] point ne sortir la gemme, mais dans la bande brillante elle courut, semblable à un feu derrière l’albâtre. Ainsi s’avança la pieuse ombre d’Anchise (si mérite foi notre plus grande Muse) lorsque dans l’Elysée il aperçut son fils.


O sanguis meus, o super infusa

Gratia Dei, sicut tibi, cui

Bis unquam cœli janua reclusa [3] ?


Ainsi cette lumière ; ce qui attira sur elle mon attention : puis je tournai le visage vers ma Dame, et d’ici et de là [4] je fus stupéfait : car dans ses yeux brillait une telle joie, que

  1. Que Dieu accorde comme nous accordons un instrument.
  2. Du rayon qui formait la croix.
  3. « O mon sang ! ô surabondante grâce de Dieu ! à qui, comme à toi, la porte du ciel fut-elle jamais ouverte deux fois ? »
  4. « En regardant la lumière, l’esprit bienheureux qui venait de me parler, et en regardant ma Dame. »