Page:Dante - La Divine Comédie, trad. Lamennais, 1910.djvu/394

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qu’un bon tailleur qui, comme il a du drap, fait la robe [1] ; Et nous dirigerons les yeux vers le premier Amour [2], afin que, le regardant, tu pénètres autant que possible à travers sa splendeur. Et de peur que, peut-être, en agitant tes ailes tu ne recules croyant avancer, il convient en priant d’obtenir la grâce, la grâce par celle qui peut t’aider. Tu me suivras avec l’affection, en sorte que de mon dire le cœur ne se sépare point. » Et commença cette sainte oraison.



CHANT TRENTE-TROISIÈME


« Vierge Mère, fille de ton Fils, humble et élevée plus qu’aucune créature, terme fixe d’un éternel conseil [3], tu es celle qui tant a ennobli l’humaine nature, que son auteur ne dédaigna point de s’en revêtir. En ton sein se ralluma l’amour, par la chaleur duquel dans l’éternelle paix ainsi a germé cette fleur. Ici, pour nous, tu es en son midi le flambeau de la charité, et en bas, parmi les mortels, tu es la vraie fontaine d’espérance. Dame, tu es si grande, et si grand est ton pouvoir, que celui qui désire la grâce et à toi ne recourt point, son désir veut voler sans ailes. Ta bonté non-seulement secourt qui demande, mais d’elle-même, souvent, elle prévient le demander. En toi miséricorde, en toi pitié, en toi magnificence, en toi se rassemble tout ce que dans les créatures il y a de bonté. Ores, celui-ci, qui du plus profond gouffre de l’univers [4] jusqu’ici, a vu les vies spirituelles [5] une à une, te supplie que, par grâce, il obtienne la force d’élever les yeux plus haut vers le dernier salut [6]. Et moi qui jamais ne brûlai de voir plus que je ne brûle qu’il voie, je t’offre toutes mes prières, et te prie qu’elles ne soient pas insuffisantes, afin que, par les tiennes, tu dissipes entièrement les nuages de sa mortalité, en sorte que

  1. Qui proportionne à la quantité de l’étoffe la grandeur de la robe.
  2. Vers Dieu même.
  3. Destinée de toute éternité, par un décret fixe, immuable, à être la mère du Fils de Dieu.
  4. De l’Enfer.
  5. Les différents états où vivent les esprits.
  6. Le dernier terme du salut, ou Dieu même.