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INTRODUCTION.

caractère de Satan, la plus haute, la plus belle des premières créatures, cette superbe indomptable, cet altier défi jeté à la Toute-Puissance, cette sombre joie d’une éternelle révolte au sein d’un supplice éternel, jamais le génie humain n’a rien produit de plus grand.

Le Lucifer de Dante, agitant au centre du cône infernal ses larges ailes de chauve-souris, serrant dans ses trois gueules Brutus, Cassius, Judas, du reste purement passif, est certes bien au-dessous. Ce n’est pas que le poëte florentin n’ait compris, lui aussi, ce suprême caractère du mal, cet orgueil opiniâtre que rien ne peut courber, car il l’a peint dans Capanée, à sa manière, en quelques traits d’une énergie terrible. Traversant une campagne de sable embrasé, où les damnés gisent sous une pluie de feu, l’un d’eux surtout frappe ses regards.

« Maître, dit-il à Virgile, quel est ce grand qui a semblé n’avoir souci du brasier, et gît si fier et si dédaigneux, que la pluie ne paraît pas l’amollir ?

« Celui-là même, s’étant aperçu que de lui j’interrogeais mon guide, cria : — Quel je fus vivant, tel je suis mort.

« Quand Jupiter fatiguerait encore son forgeron, de qui, dans son courroux, il prit le foudre dont il me frappa le dernier jour ;