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INTRODUCTION.

« Et quand, tour à tour, il fatiguerait les autres dans la noire forge du Mongibel, criant : Vulcain, à l’aide ! à l’aide !

« Comme il fit au combat de Phlégra, et que contre moi il rassemblerait et tous ses traits, et toute sa force, il n’aurait pas la joie de la vengeance[1] ! »

Voilà bien le Satan de Milton, se dressant sur le lac de feu pour braver encore celui qui l’y précipita. Mais là s’arrête la ressemblance. Les deux poëtes ont chacun, en des sujets divers, un but différent. La première cantique est surtout une satire, satire gigantesque, épique, comme nous l’avons nommée. Et c’est là ce qui explique certains contrastes étranges : le mélange de sérieux et de grotesque qui serait ailleurs si choquant. Dante a pu prendre tous les tons, parce que la satire les admet tous. Il a pu peindre le mal sous une de ses faces, laquelle n’en est pas la moins remarquable, par son côté bas, laid, ignoble, je dirais presque ridicule. Il a pu imiter les grands artistes du Moyen âge, qui sur les corniches de leurs magnifiques cathédrales, jetaient ici et là de hideuses figures de démons, et des emblèmes humains de ce que le vice abject a de plus rebutant.

La passion, la haine de parti préside le plus souvent au choix des personnes qu’il place dans son Enfer, ainsi qu’à la distribution des peines. La féconde in-

  1. Enfer, ch. xiv, terc. 16 et suiv.