Page:Dante - La Divine Comédie, traduction Lamennais volume 1, Didier, 1863.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
INTRODUCTION.

sionnée par lequel elle semble se rendre propre une commune faiblesse, c’est en l’avouant elle-même qu’elle l’excuse, c’est par la vive expression de l’amour qui la fascine encore, qu’elle imprime à cet amour qui survit au corps, qui réside dans l’âme seule, je ne sais quel caractère chaste d’où naît la pitié douloureuse et tendre qu’inspirent ceux dont il fera, au fond d’une joie secrète, l’immortel tourment.

Rien ne contraste plus que cette scène et celle où apparaît, au dixième chant, la grande figure de Farinata. Chef des Gibelins à Florence, deux fois il en chassa les Guelfes, et fut enfin défait par eux à Monte-Aperto, près de l’Arbia. Dante peint en lui, avec la fierté aristocratique[1], l’inflexible orgueil, la haine opiniâtre de parti, la passion politique dominant, absorbant toutes les autres passions. Et comment les peint-il ? C’est ici qu’il faut admirer le génie du Poëte. Pas une réflexion ; quelques larges coups de pinceau, un bref dialogue dont chaque mot met à nu le fond de l’âme, et le tableau est complet. Mais de quelle manière, tout d’abord, il éveille l’attention et prépare l’effet ! Nous sommes dans une campagne lugubre,

  1. Quels furent les ancêtres ? C’est la première question qu’il adresse à Dante : et, à ce sujet, nous observerons que Dante n’avait nullement les sentiments démocratiques que quelques-uns lui ont prêtés. Il rappelle avec complaisance l’origine noble de ses aïeux, et affecte un profond dédain pour les familles sorties du peuple et pour le peuple lui-même. L’Empire impliquait une hiérarchie naturellement liée à l’esprit féodal.