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INTRODUCTION.

mais où le hasard la jette. Là, elle germe comme un grain d’épeautre.

« S’élevant, elle devient une tige et un arbre silvestre. Les Harpies, se repaissant de ses feuilles, ouvrent un passage à la douleur qu’elles lui font ressentir.

« Comme les autres nous viendrons rechercher nos dépouilles, mais cependant aucun ne les revêtira ; car il n’est pas juste que l’homme recouvre ce que lui-même il s’est ravi.

« Ici nous les traînerons, et dans la lugubre forêt nos corps seront suspendus, chacun au tronc de sa triste ombre. »

Ces corps éternellement suspendus devant leurs âmes éternellement séparées d’eux, ces débris d’une nature à jamais mutilée, cette mort dans la mort, n’est-ce pas là un spectacle étrange qui saisit l’imagination et l’enveloppe comme d’un crêpe funèbre ?

Tout d’un coup la scène change :

« Nous demeurions attentifs, croyant qu’il voulait dire encore autre chose, quand nous surprit un bruit

« Semblable au fracas des bêtes et des branches qu’entend celui qui voit venir le sanglier et la meute qui le suit.

« Et voilà, vers la gauche, deux damnés nus et dé-