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INTRODUCTION.

par leurs affections antérieures, de sorte que l’amour n’est point banni de l’enfer même. Si, lorsqu’il parle d’eux d’une manière générale, sa parole s’empreint de toutes les terreurs du dogme théologique, lorsque ensuite, durant son passage à travers ces régions désolées, il rencontre les personnes mêmes, converse avec elles, il oublie le dogme, il rentre dans l’ordre des sentiments que la nature inspire ; quelque mortelle que soit la chute, elle laisse subsister le caractère originel de l’être dégradé, mais non entièrement ; et sous le damné on retrouve encore l’homme. Qui aurait pu supporter, sans cela, l’affreux récit de tous ces supplices ? Il n’eût produit qu’une impression de dégoût et d’horreur, et le livre serait tombé des mains.

Non-seulement le Poëte exclut des sombres demeures qu’il dépeint l’idée du mal pur, non-seulement il a soin de réveiller partout celle de la vie humaine, telle à peu près qu’elle s’offre à nos yeux sur la terre, mais, avec un art merveilleux, quelquefois il s’incarne lui-même dans ses fictions, il les anime de son propre esprit et de l’esprit de son âge, que tourmentait la soif de connaître, qu’attirait vers les lieux où le soleil se couche, au delà des vastes mers, le vague pressentiment d’un monde inconnu, du monde où deux siècles après aborda Colomb. Ulysse, qu’il trouve dans le huitième bolge, lui raconte comment,