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INTRODUCTION.

Quelquefois, par un court récit, où se mêlent deux mondes, il transporte l’imagination en une sphère tout ensemble réelle et fantastique, pleine de tristesses étranges. Échappé du combat, un pauvre blessé[1] est venu expirer sur le bord d’un fleuve[2]. Le démon veut saisir son âme ; l’ange de Dieu la lui enlève. « De celui-ci, dit le démon, tu emportes ce qui est éternel, à cause d’une petite larme qui me la ravit ; mais autre chose ferai-je du reste. » Aussitôt la vallée se couvre de brouillards, l’air s’épaissit, on entend la pluie tombant du ciel noir, et, dans le lointain, le bruit des torrents qui se précipitent des montagnes. Le fleuve gonflé déborde, entraîne le corps glacé, le roule parmi les débris que ses eaux charrient, et l’ensevelit dans le limon au creux du ravin, où nul jamais ne saura qu’il repose[3]. Puis tout à coup, comme un vague rêve où les visions se succèdent soudain, une voix plaintive et quelques paroles mystérieuses qui font frissonner :

« Ah ! quand tu seras de retour dans le monde, et reposé de ton long voyage, souviens-toi de moi, qui suis la Pia ; Sienne me fit, me défit la Maremme : le sait celui qui auparavant m’avait, en m’épousant, a mis son anneau de gemme[4]. »

  1. Buonconte, fils de Gui de Montefeltro.
  2. L’Archiano.
  3. Purgat., ch. V, terc. 32 et suiv.
  4. Ibid., terc. 44 et 45.