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INTRODUCTION.

que le parler, tant mon pays m’a serré le cœur[1]. » Les voyageurs reprennent leur route. Sur la rampe solitaire on voit le Toscan, tout à ce qu’il vient d’entendre, cheminer enseveli dans ses réflexions :

« Lorsque ayant avancé nous fûmes seuls, semblable au foudre lorsqu’il fend l’air, de devant nous vint une voix :

« Me tuera quiconque me rencontrera[2] ! — Et elle s’enfuit comme s’éloigne le tonnerre qui subitement déchire la nuée[3]. »

Le désert, le silence, puis soudain ce cri sinistre et cette fuite invisible ; qui ne tressaillerait ? Ne croit-on pas, là, tout près, sentir passer le fantôme du meurtre ?

Du cercle des Envieux, Dante monte en celui consacré au châtiment de la Colère. Ceux qu’y retient la divine justice sont plongés dans une fumée épaisse et âcre qui ne laisse rien voir, et ne permet pas même aux yeux de s’ouvrir. Le Poëte rencontre, parmi les ombres, celle d’un de ses amis. À l’occasion des maux de l’Italie, et de la corruption des temps qu’ils déplorent tous deux, l’ombre, à la prière de Dante, en explique la cause, et, pour cela, remonte jusqu’à celle

  1. Purgat., ch. XIV, terc. 42.
  2. Dixitque Caïnus ad Dominum : Major est iniquitas mea quam ut veniam merear. Ecce ejicis me hodiè a facie terræ, et a facie tua abscondar, et ero vagus et profugus in terra : omnis igitur qui invenerit me, occidet me.
    Genes, IV, v. 13 et 14.

  3. Purgat., ch. XV, terc. 44, 45.