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L’ENFER.

33. Alors se dégonflèrent les joues laineuses du nocher du marais livide, qui autour des yeux avait des cercles enflammés.

34. Mais ces âmes tristes, fatiguées et nues, changèrent de couleur, et leurs dents claquèrent sitôt qu’elles ouïrent les sévères paroles.

35. Elles blasphémaient Dieu et leurs parents, la race humaine, le lieu, le temps où elles naquirent, la semence de laquelle elles germèrent.

36. Puis, toutes ensemble, elles se retirèrent près de la rive maudite où vient tout homme qui ne craint pas Dieu.

37. Caron, d’un signe de ses yeux de braise, les rassemble toutes, et frappe de sa rame quiconque s’attarde.

38. Comme, l’une après l’autre, en automne, les feuilles se détachent afin que le rameau rende à la terre toutes ses dépouilles,

39. Pareillement, au signe du nocher, comme l’oiseau à l’appel, se jetaient de la rive, une à une, les âmes mauvaises de la race d’Adam.

40. Ainsi elles s’en vont par l’eau noirâtre, et avant qu’elles soient descendues sur l’autre bord, sur celui-ci se rassemble encore une nouvelle troupe.