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CHANT CINQUIÈME.

34. « L’amour qui si vite s’empare d’un cœur tendre, éprit celui-ci du beau corps qui m’a été enlevé ; et la manière m’est encore amère.

35. « L’amour qui ne permet point à l’aimé de ne pas aimer, m’éprit pour celui-ci d’une passion si forte que maintenant même, comme tu le vois, elle ne m’abandonne point.

36. « L’amour nous conduisit à une même mort : Caïna 8 attend celui qui éteignit notre vie. » D’eux nous furent portées ces paroles.

37. Lorsque j’ouïs ces âmes blessées, je baissai la tête, et la tins baissée jusqu’à ce que le Poëte me dit : « Que penses-tu ? »

38. Je répondis : — Hélas ! que de doux pensers, quel ardent désir a mené ceux-ci au douloureux passage !

39. Puis me tournant vers eux, je parlai et dis : — Francesca, tes souffrances me touchent et m’attristent jusqu’aux larmes.

40. Mais dis-moi : Au temps des doux soupirs, à quoi et comment amour te fit-il connaître les douteux désirs ?

41. Et elle à moi : « Nulle douleur plus grande que des temps heureux se ressouvenir dans la misère ; et cela ton Maître le sait 9.