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LE PURGATOIRE.

39. Je me trouve ainsi pris d’une et d’autre part : de l’une on me commande de me taire, de l’autre on me conjure de parler ; d’où un soupir qui me fait comprendre.

40. — Parle, dit mon Maître, et ne crains pas de parler ; mais parle, et dis-lui ce qu’il demande avec tant de souci.

41. Moi donc : — Peut-être, antique esprit, t’étonnes-tu du sourire qui m’est échappé ; mais je veux que tu t’étonnes plus encore :

42. Celui-ci, qui en haut guide mes yeux, est ce Virgile, à qui tu dois d’avoir chanté avec éclat les hommes et les Dieux.

43. Si tu as cru que mon sourire eût une autre cause, tiens-la pour fausse, et attribue-le à ce que tu as dit de lui.

44. Déjà il s’inclinait pour baiser les pieds de mon Maître ; mais celui-ci lui dit : — Non, frère ! ombre tu es, et tu vois une ombre.

45. Et lui, se relevant : « Tu peux juger de l’ardeur de mon amour pour toi, lorsque, oubliant que nous ne sommes que des formes vaines,

« Je traite les ombres comme des corps réels. »