Page:Dante - La Divine Comédie, traduction Lamennais volume 2, Didier, 1863.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
CHANT TRENTIÈME.

25 « Regarde-moi ; bien suis-je, bien suis-je Béatrice. Comment as-tu daigné t’approcher du mont ? Ne savais-tu point qu’ici l’homme est heureux [14] ? »

26. Mes yeux baissés tombèrent sur la claire fontaine, et en m’y voyant, je les reportai sur l’herbe, tant de honte se chargea mon front.

27. Comme envers son fils la mère se montre sévère, ainsi se montra-t-elle envers moi ; parce qu’un peu amère est la saveur de la pitié acerbe [15].

28. Elle se tut et soudain les Anges chantèrent : « In te, Domine, speravi [16] ! » Mais outre pedes meos ils ne passèrent point.

29. Comme la neige qu’ont poussée et entassée les vents slaves, entre les poutres vivantes [17] sur le dos de l’Italie se congèle,

30. Puis, liquéfiée, coule à travers d’elle-même, au souffle de la terre où l’ombre se perd [18], comme on voit le feu fondre la chandelle ;

31. Ainsi fus-je sans larmes ni soupirs, avant le chant de ceux dont l’harmonie accompagne toujours celle des sphères éternelles ;

32. Mais après qu’en leurs doux accords j’entendis qu’à moi ils compatissaient plus que s’ils eussent dit : « O Dame, pourquoi l’affliges-tu ? »