Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/476

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de feuille en feuille ; et depuis le septième degré jusqu’en bas, sont d’autres femmes juives qui occupent, avec les précédentes, toutes les étamines de la fleur. Ces femmes forment la séparation qui distingue les esprits que la foi dans le Christ a conduits au ciel.

« De ce côté où la fleur a toutes ses feuilles, sont assis ceux qui crurent que le Christ devait venir ; de l’autre côté, où les places en demi-cercles ne sont pas toutes remplies, on voit ceux qui crurent au Christ venu sur la terre. Dans cette partie, la séparation est encore mieux marquée par le degré où est la reine du ciel, et par les degrés inférieurs.

« Dans l’autre partie, en face de Marie, est le degré du grand saint Jean, qui, toujours saint, vécut dans un désert, souffrit le martyre, et demeura deux ans en Enfer. Au-dessous de lui sont François, Benoît, Augustin, et tant d’autres qui se prolongent de cercle en cercle.

« Maintenant, admire la haute providence divine : ce jardin sera rempli également par ceux qui auront eu la foi sous l’un ou l’autre aspect. Ceux-ci que tu vois encore placés sur la ligne où sont formées les séparations, n’ont pas obtenu ce bonheur par leur propre mérite mais par celui de quelques autres, et sous des conditions que je vais t’expliquer.

« C’est là qu’on a placé les esprits délivrés des liens corporels avant l’âge de raison pour choisir. Tu peux t’en apercevoir à leur figure et à leur voix enfantine, si tu les regardes et si tu les écoutes. Tu as un doute en ce moment, et tu n’oses le proposer ; mais je vais briser le rude lien qui enveloppe la subtilité de tes pensées : dans l’immensité de ce royaume rien n’est soumis à l’empire du hasard, de même qu’on n’y connaît ni la tristesse, ni la soif, ni la faim.

« Ce que tu vois a été établi par une loi éternelle, et l’anneau est proportionné au doigt : ce n’est pas sans motif que ces enfants qui moururent si tôt, ont obtenu la véritable vie. On entre ici plus ou moins agréable à Dieu. Le roi qui gouverne ce royaume de joie et de félicité, où l’on n’a d’autres désirs que les siens, doue d’une grâce diverse ces différents esprits qu’il a créés suivant son plaisir.

« Qu’il te suffise de savoir que telle est sa loi : ce fait nous est démontré dans la sainte Écriture par les deux jumeaux qui se querellèrent même dans le sein de leur mère. Mais il convient que la sublime lumière qui accorde une telle grâce, s’orne suivant la couleur de la chevelure ; aussi ces bienheureux, quelles qu’aient été leurs actions, ont reçu des places différentes, et participent diversement à la première félicité.