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INTRODUCTION.

ne pourraient disparaître sans laisser après elles une contradiction flagrante ; car il répugne, même dans les termes, que ce qui a commencé soit éternel, et que ce qui a reçu l’être le possède en propre. Que l’imperfection et la privation soient un moindre bien, c’est ce qui demeure évident ; car ou il y a imperfection totale, et alors il ne reste plus rien, pas même le sujet de la privation, et le mal lui-même a disparu avec la substance en laquelle il était possible ; ou il n’y a qu’imperfection partielle, et alors il existe quelque chose de bien, ne serait-ce que le sujet de la privation avec les propriétés qui le constituent nécessairement et avec la capacité de recevoir des perfectionnements ultérieurs. Ainsi on ne saurait dire qu’il y ait ici aucun mal ; il y a seulement un bien qui n’est pas complet et absolu.

2° Le mal physique, c’est-à-dire la variabilité, la production, le développement, la lutte mutuelle et la destruction des choses matérielles n’est pas non plus un mal. Cela est mauvais pour une nature particulière qui la combat, l’affaiblit et la dépouille de ses instincts et de ses facultés propres. Mais ce qui la modifie, ce qui la développe et la limite, comme il arrive aux choses qui se produisent par génération, cela n’est point un mal. La nature totale, l’ensemble des mondes étant formé d’êtres divers dont les lois respectives ne sont pas les mêmes, il s’ensuit assurément que ce qui convient à l’un ne convient pas à l’autre. Mais dans cet antagonisme même, dans ce déplacement des forces et des éléments de l’univers, il n’y a qu’une transformation au bénéfice de l’ordre général, et ce qui semble périr sous une forme revit en réalité sous une forme nouvelle.

D’après cela, la fureur et la convoitise des brutes et les autres qualités qu’on nomme ordinairement funestes parce qu’elles fatiguent et brisent d’autres organisations, ne sont point un mal. Ôtez au lion sa force et sa fureur, ce n’est plus un lion ; ôtez au chien sa sagacité à discerner les personnes de la maison pour les accueillir d’avec les