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INTRODUCTION.

physicien du onzième siècle, et le prince de la philosophie scholastique, adopta également les doctrines du livre des Noms divins et de la Hiérarchie céleste. En passant par cet esprit si rigoureux et si profond, les conceptions orientales de saint Denys prennent un caractère plus logique et se présentent dans un ordre de déduction plus sévère. C’est la même chaîne de vérités conçues sous la même forme, mais disposées selon une autre méthode. À travers ces deux hommes, l’action de saint Denys pénètre jusqu’au treizième siècle. Car les divisions précédemment indiquées se perpétuent dans les écoles théologiques, et les historiens de la philosophie font observer que c’était là le cadre obligé, ou du moins universellement reçu de l’enseignement public[1].

Au reste, si l’on pouvait conserver encore quelques doutes à cet égard, ils seraient facilement levés par la lecture du livre des Sentences, auquel on fit si brillante réception dans les écoles du temps, et dont les plus renommés maîtres devinrent les interprètes et les humbles commentateurs. Le plan de Pierre Lombard se reproduit sous des proportions plus larges dans la Somme de saint Thomas, une des belles créations de l’esprit humain : métaphysicien profond, et profond moraliste, la haute portée de ses conceptions et la sagacité de son analyse font de cette œuvre quelque chose de plus vaste et de plus complet que les Sentences ; mais c’est la même idée autrement traduite. Ce qui le prouve, et ce qui montre de plus que l’ensemble des doctrines théologiques continua d’apparaître dans les

  1. « Alain des Îles, qui ferme cette époque de la scholastique, parle comme Scot Érigène, qui la commence. (Scot mourut vers 870, et Alain des Îles en 1203.) Alain dédie au pape Clément III son Art de la Foi catholique, qui est divisé en cinq livres, comme il suit : 1o  De uno eodemque trino Deo, qui est una omnium causa ; 2o  De mundo, deque angelorum et hominum creatione liberoque arbitrio ; 3o  De reparatione hominis lapsi ; 4o  De Ecclesiæ sacramentis ; 5o  De resurrectione et vitâ futuri sæculi. Ce sont les divisions ordinaires de la métaphysique théologique de cette époque. » Cousin, Hist. de la Phil., 9e leçon. Voyez aussi de Gérando, Hist. comparée, t. IV, chap. 25 et suiv.