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INTRODUCTION.

l’homme, placé aux confins des choses matérielles et des choses intelligibles, pour unir et rattacher en lui ces extrêmes. Composé d’une âme et d’un corps qui ont leurs droits et leurs devoirs, leur travail et leur mérite respectifs, l’homme est soumis à une législation complexe, qui a de plus un caractère particulier, à raison de l’ordre de grâce, où nous fûmes originairement constitués. Dieu soumit à une épreuve les créatures intelligentes : des anges tombèrent ; mais leur faute fut personnelle ; l’homme aussi fut vaincu, et il entraîna sa postérité dans sa ruine. Le mal existe donc ; mais ce n’est point une substance que Dieu a faite ; c’est le résultat d’une activité qui peut s’égarer, parce qu’elle est imparfaite, et qui s’égare, parce qu’elle le veut librement[1].

Mais Dieu qui n’a pas produit le mal daigne y porter remède. Le Verbe, sans altération de sa substance divine, prend la nature blessée de l’homme, et la guérit en mourant dans sa chair. Il remonte aux cieux, et laisse après lui son Église, qui est comme un prolongement de l’incarnation ; il l’enrichit des trésors de la grâce, déposée dans le canal des sacrements, où va puiser tout homme qui veut participer à la vie divine[2].

La vie ainsi réparée, on la maintient, et on la développe par le travail de la vertu, qui consiste à détruire en nous les restes du mal, et à imiter Dieu, notre principe, notre modèle et notre fin. La mort ouvre devant l’homme un monde nouveau, où les actes du temps présent doivent avoir un retentissement éternel. Vicieux sur terre, un affreux malheur nous attend au delà du tombeau. Justes ici-bas, la félicité des cieux nous est réservée : le corps sera transfiguré ; l’âme verra Dieu et l’aimera, et dans un frémissement d’adoration et d’amour, les élus abaisseront leurs couronnes devant le trône de l’Éternel en disant :

  1. B. Anselmi Monolog. ; de Casu diaboli ; de orig. Peccato ; de Concord. grat. et liberi arbitr. ; Petri Lomb. Sent., lib. II ; D. Thom. Sum., 2 part.
  2. B. Anselm., de Fide Trinit. et Incarn. ; Cur Deus homo ; P. Lomb. Sent., lib. III et IV ; D. Thom., part. 3.