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INTRODUCTION.

avait nommé saint Denys le meilleur guide des contemplatifs, dut l’étudier et le suivre. C’est ce qu’on ne peut révoquer en doute, soit parce qu’une tendance générale emportait alors les esprits les plus distingués vers les œuvres du docteur athénien, soit parce que effectivement les livres de saint Denys sur les hiérarchies céleste et ecclésiastique sont la base et le point de départ de saint Bonaventure dans son traité de la hiérarchie. De plus, ses nombreux écrits de spiritualité sont destinés à expliquer et à décrire cette triple vie purgative, illuminative et unitive, qu’avait précédemment constatée l’Aréopagite[1].

« Les hommes les plus remarquables du quatorzième siècle furent presque tous des mystiques[2]. » Le sol de la chrétienté, fécondé par les doctrines de l’âge précédent, produisit comme une famille immense de pieux contemplatifs. Entre tous brillaient plusieurs Frères de l’ordre de saint Dominique : tel fut le docteur Eckard, qui, à la vérité, se perdit quelquefois dans la sublimité de sa doctrine, mais qui en avait abandonné le jugement au Siége apostolique ; tel fut l’aimable et doux Jean Tauler, dont Cologne et Strasbourg entendirent la voix puissante avec admiration et profit spirituel, et que Bossuet nomme l’un des plus solides et des plus corrects mystiques ; » tel encore Henri de Berg, ou Suso, l’amant passionné de l’éternelle sagesse, comme disaient ses contemporains, et qui acheta, par des pénitences effroyables et d’indicibles tribulations, la lumière de la céleste doctrine et le trésor de la plus pieuse ferveur. Eckard, dont Tauler et Suso entendirent les leçons, citait souvent saint Denys ; il n’est donc pas étonnant que les disciples, aussi bien que le maître, aient suivi le docteur athénien, et qu’on retrouve

  1. Voir spécialement, entre les opuscules du saint docteur, Itinerarium mentis ad Deum ; de septem Itineribus œternitatis ; Mystica Theologia. L’authenticité de ce dernier ouvrage a été contestée, mais à tort, selon le plus grand nombre des critiques.
  2. Cousin, Hist. de la Phil., ubi suprà.