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XVII
INTRODUCTION.

livres dont nous recherchons l’origine, quel sera le résultat probable de nos investigations ? Arriverons-nous à conclure qu’ils sont authentiques ? Je le pense, parce que la forme littéraire qu’ils affectent est précisément celle que pouvait prendre l’ouvrage composé par un philosophe converti du premier siècle. Effectivement, et sous ce point de vue particulier, quelle idée laisse dans l’esprit la lecture de saint Denys ? Était-il possible d’écrire ainsi à l’origine du christianisme ? Double question qu’on peut résoudre par les considérations suivantes.

En lisant ces livres, on y reconnaît sans peine le philosophe accommodant à la pensée chrétienne les formules du platonisme antique ; le néophyte essayant de traduire le sentiment religieux dont il est obsédé ; le docteur des temps primitifs se débattant dans les entraves d’une langue inhabile encore à exprimer des idées nouvelles, et enfin l’écrivain d’un siècle où le goût n’était pas sans pureté, ni la littérature sans gloire.

Ainsi, qu’on parcoure, par exemple, le traité des noms divins, où les questions discutées déjà par les anciens trouvaient naturellement leur place, et appelaient une solution philosophique, n’est-il pas vrai que les théories platoniciennes y apparaissent ramenées à l’orthodoxie, et sous le vêtement de la religion nouvelle, tellement que, comme on avait dit de Platon, que c’était Moïse parlant grec, on pourrait dire de saint Denys que c’est Platon parlant chrétien ? Même on doit tenir compte de cette observation, si l’on veut comprendre parfaitement la doctrine de notre auteur : c’est ce qu’insinuent Nicolas de Cusa, saint Thomas[1] et Marsile Ficin[2]. Et il y a plus : cet air de famille est si prononcé, qu’on a voulu en faire contre saint Denys le texte d’un reproche, soit pour l’accuser de paganisme, soit pour contester l’authenticité que nous défendons. Or, il ne serait pas étonnant que saint Denys eût été platonicien. Celui que les païens eux-mêmes nom-

  1. Ad cap. 5 de Divin, nom. lect. I.
  2. In argum. ad lib. de Divin. Domin.