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XXXII
INTRODUCTION.


double entente, on doit se décider pour celle qui s’accorde avec les autres affirmations de l’auteur, et ne pas lui supposer l’envie de se contredire. Comme donc, ainsi qu’on l’a vu plus haut, notre aréopagite indique en plusieurs endroits le temps précis où il a vécu, il est naturel de plier le mot ambigu ἀρχαία (archaia) au sens avéré de mots parfaitement clairs, et non pas de mépriser la netteté de ceux-ci au bénéfice de l’obscurité de celui-là.

Puis, acceptons la traduction de nos adversaires : il sera toujours vrai que l’ancienneté est chose relative. Pour un homme du temps présent, les anciens sont la génération qui disparaît, après nous avoir initiés à la vie, ou bien les générations des divers siècles de notre monarchie, ou les écrivains des premiers siècles de l’Église, ou même les auteurs païens, comme on voudra ou plutôt comme le fera comprendre celui qui parle. Si donc saint Denys, qui ne mourut que vers l’âge de cent dix ans, comme l’établit Baronius[1], et qui put écrire à une époque assez avancée de sa vie, a nommé ancienne une tradition qui avait cinquante ans, il s’est servi d’un terme que nous employons volontiers en des circonstances analogues, sans que personne nous reprenne.

D’ailleurs, si l’on repousse l’une et l’autre de ces réponses, il faut dire qu’avec une grande élévation de génie l’auteur manquait de bon sens, et que sa sagacité dans les discussions les plus épineuses n’a pu prévoir une contradiction que le plus épais Béotien eût évitée sans peine. Or, cette conséquence n’est guère plus spirituelle que le délit qu’on prétend censurer, et il ne me plaît pas de croire que le lecteur veuille l’admettre. Saint Denys, ou, si l’on y tient, l’imposteur qui a pris le masque de ce nom, se montre assez habile logicien et raisonneur assez subtil pour qu’on avoue qu’il était capable de couvrir sa fraude d’un prestige moins facile à vaincre, et de ne pas la laisser ainsi percée à jour.

  1. Ad ann. Domini 98 et 109.