Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
DES NOMS DIVINS.


et dilection ; mais qu’ils appliquent plus volontiers le mot d’amour aux choses divines, à raison des ignobles idées qui préoccupent certains esprits. Car lorsqu’en traitant de Dieu, le nom d’amour apparaît non-seulement sur nos lèvres, mais encore dans les Écritures, le vulgaire qui ne comprend pas quelle divine union l’on exprime ainsi, précipite sa pensée, par habitude, vers une affection imparfaite, sensuelle et bornée, qui n’est certes pas l’amour, mais une image, ou plutôt une déchéance du véritable amour. Effectivement, c’est chose qui dépasse la portée des intelligences communes, que cette intimité, cette fusion produite par l’amour divin : voilà pourquoi ce mot, qui leur semble quelque peu inconvenant, est appliqué à la divine sagesse, afin de les initier et de les conduire à la connaissance de l’amour réel, et de les arracher à leurs grossières imaginations. Lorsqu’il s’agit au contraire des choses humaines, là où des esprits toujours fixés en terre prendraient occasion de mal, on se sert d’expressions moins périlleuses : J’avais pour toi, dit un saint personnage, la dilection qu’on a pour les femmes[1]. Mais vis-à-vis de ceux qui savent entendre les choses divines, les théologiens, dans leurs pieuses explications, emploient les mots de dilection et d’amour comme ayant une égale force. Et ils indiquent par là une certaine vertu qui rassemble, unit et maintient toutes choses en une merveilleuse harmonie ; qui existe éternellement dans la beauté et la bonté infinie éprise d’elle-même, et de là dérive dans tout ce qui est bon et beau ; qui étreint les êtres égaux dans la douceur de communications réciproques, et dispose

  1. II. Reg., I.