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CHAPITRE IV.


n’empêche-t-elle pas le mal de naître, ou du moins de subsister ? Et comment la créature se prend-elle d’amour pour le mal au mépris du bien ?

XIX. Tels sont les doutes qu’on songera peut-être à proposer ; mais nous prierons notre interlocuteur de considérer la chose à fond. Et d’abord, nous dirons nettement que le mal ne vient pas du bien, et que, s’il tirait de là son origine, il ne serait pas le mal ; car le feu n’a pas la propriété de glacer, ni le bien, de faire ce qui n’est pas bon. La nature du bien étant de produire et de conserver, la nature du mal étant de corrompre et de détruire, tous les êtres procèdent du bien, et rien de ce qui est ne saurait procéder du mal : le mal n’est donc pas, car il se détruirait lui-même. S’il subsiste, il n’est donc pas mal absolument, et il se mêle à quelque bien, d’où il emprunte tout ce qu’il a d’être. Or, si les créatures aspirent au beau et au bon ; si ce qu’elles font elles le font toujours pour un bien, du moins apparent ; si elles prennent inévitablement le bien pour mobile et pour but de leurs intentions (car nulle chose n’agit en la vue exclusive du mal), comment donc le mal se trouve-t-il dans les êtres ? ou comment dit-on qu’il existe, s’il est jamais dépouillé d’un amour général du bien ?

Je réponds : Tous les êtres procèdent du bien. De plus, le bien dépasse infiniment tous les êtres : d’où il suit qu’en une certaine manière le non-être a place en lui. Mais le mal n’est ni être, car alors il ne serait pas absolument le mal, ni non-être, car cette appellation transcendantale ne convient qu’à ce qui est dans le souverain bien d’une façon suréminente. Le bien s’étend donc loin par delà tout être et tout non-être ; et le mal ne sera ni être, ni non-être, mais quel-