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CHAPITRE IV.


quoi ? sur la substance, les facultés ou l’action des êtres ? Sur la substance ? mais d’abord ce n’est qu’autant qu’elle s’y prêterait ; car ils altèrent ce qui est sujet à la corruption, et non pas ce qui est naturellement inaltérable. Ensuite cette corruptibilité n’est ni toujours, ni universellement un mal. Et puis il est faux que les choses se détériorent en tant qu’elles sont essence et nature ; mais par la violation de la loi qui les constitue, s’affaiblit en elles l’harmonieux accord de leurs puissances, et elles subsistent dans cet état. Le désordre alors n’est que partiel ; car s’il était total, la dégradation disparaîtrait avec le sujet où elle réside, et ainsi la corruption radicale serait un complet anéantissement. Donc on ne trouve pas ici un mal absolu, mais un bien imparfait ; car ce qui est entièrement dénué de bien n’existe à aucun titre. Le même raisonnement vaut en ce qui concerne les facultés et l’action des êtres.

Ensuite, créés par Dieu, comment les démons sont-ils mauvais ? Car le bien ne donne l’être et la subsistance qu’à ce qui est bon. Or on peut répondre qu’ils sont nommés mauvais, non pas pour ce qu’ils ont, car ils viennent du bien, et une nature bonne leur fut départie ; mais pour ce qui leur manque, car ils n’ont pas su conserver leur excellence originelle, comme l’enseignent les Écritures[1]. Car en quoi, je vous le demande, se sont pervertis les démons, sinon en ce qu’ils ont cessé de vouloir et de faire le bien ? Autrement et si la malice est inhérente à leur nature, elle les suit toujours ; or cependant le mal n’est pas stable ; donc ils ne sont pas mauvais, s’ils se maintiennent dans le même état, puisque l’immuta-

  1. Judæ, 6.