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CHAPITRE IV.


choses, si elle n’a ni qualité, ni manière d’être quelconque, alors elle ne subsiste ni à l’état actif, ni même à l’état passif. Ensuite, comment la matière serait-elle mauvaise ? Si elle n’existe nullement, elle n’est ni bonne ni mauvaise ; si elle existe de quelque façon que ce soit, toutes choses provenant du bien, la matière aura la même origine ; et partant il faudra dire que le bien crée le mal, ou que le mal est bon parce qu’il sort du bien, ou réciproquement que le mal crée le bien, ou que le bien est mauvais parce qu’il sort du mal. Ou encore, nous voilà ramenés à deux principes qui remontent eux-mêmes à un principe supérieur. De plus, si l’on prétend que la matière n’existe que comme nécessaire complément du monde, comment peut-elle être mauvaise ? Car autre ce qui est mauvais, autre ce qui est nécessaire. Et comment le bien emploie-t-il le mal à la production des êtres, ou comment le mal peut-il aspirer au bien, avec lequel il est essentiellement en contradiction ? Et comment la matière qu’on suppose mauvaise, donne-t-elle à certains êtres la vie et la nourriture ? Car le mal, en tant que mal, n’engendre ni n’alimente, ne crée ni ne conserve aucune chose. Enfin quand on avance que la matière, si elle ne corrompt pas directement les âmes, du moins les entraîne vers le mal, cela est-il vrai ? Car plusieurs d’entre elles se tournent vers le bien ; or, le pourraient-elles faire, si elles étaient nécessairement inclinées vers le mal ? Donc la corruption des âmes ne vient pas de la matière, mais de la fausse direction que prend leur activité. Si l’on ajoute qu’il n’en saurait être d’une autre sorte, et que les âmes obéissent nécessairement aux mobiles impressions de la matière dont elles ne furent pas créées indépendantes, je demanderai à mon