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DES NOMS DIVINS.


tour : comment le mal est-il nécessaire, ou comment ce qui est nécessaire est-il mauvais ?

XXIX. Bien plus, ce que nous appelons privation ne contredit pas le bien par sa force propre. Car ou la privation est complète, et par là même elle n’est qu’une radicale impuissance ; ou elle n’est que partielle, et en ce cas, si elle possède quelque énergie, c’est qu’on la considère à l’endroit par où elle n’est pas privation. Et en effet, la privation d’un bien partiel n’est pas précisément un mal, et si la privation devient complète, le sujet même du mal disparaît.

XXX. Pour tout dire en un mot, le bien procède d’une cause unique et totalement parfaite, le mal résulte de défectuosités multiples et particulières. Dieu connaît le mal sous la raison du bien, et devant son regard, les principes qui produisent le mal sont des puissances capables de bien. D’ailleurs, si le mal est éternel et créateur ; s’il possède l’existence et l’activité, et s’il agit réellement, d’où lui viennent ces perfections ? les reçoit-il du bien ? ou le bien les reçoit-il de lui ? Ou y aurait-il quelque cause suprême qui les communique à l’un et à l’autre ? Tout ce qui résulte naturellement d’une chose, trouve en elle sa raison d’être déterminée ; or le mal n’ayant pas sa raison d’être déterminée, n’est le résultat naturel d’aucune chose ; car ce qui est contre nature ne dérive pas de la nature, comme l’irrégularité n’a pas sa raison dans la règle. Est-ce donc que l’âme est cause du mal, comme le feu est cause de la chaleur, et qu’elle emplit de sa malice les substances auxquelles elle s’allie ? Ou originairement douée d’une nature bonne, ses opérations seraient-elles tantôt bonnes et tantôt mauvaises ? Or, si l’âme est naturellement mauvaise, alors d’où vient sa substance ? Est-ce du principe