Page:Darboy - Œuvres de saint Denys l’Aréopagite.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
431
CHAPITRE VIII.


qui sont déifiés reçoivent d’elle la grâce de pouvoir atteindre et d’atteindre réellement à cet heureux état. En un mot, rien absolument n’échappe à l’universelle domination et aux étreintes tutélaires de la puissance divine. Car, ce qui ne participe à la puissance par aucun endroit, n’existe pas, n’a pas de rang parmi les réalités.

VI. Mais le magicien Élymas nous fait cette objection : Si Dieu est tout-puissant, comment l’un de vos théologiens a-t-il affirmé qu’il y a quelque chose que Dieu ne peut pas ? Or, Élymas attaque ici le divin Paul qui enseigne effectivement que Dieu ne peut se renier lui-même[1]. Mais en discutant ce point je crains bien qu’on ne me prenne pour un insensé, qui ramasserait ses forces afin d’abattre ces frêles maisons que les enfants bâtissent sur le sable en s’amusant : comme si l’intelligence exacte de ce passage réclamait des efforts prodigieux ; comme s’il fallait toucher à un but hors de portée. Car, se renier soi-même, c’est sortir du vrai ; or, la vérité, c’est ce qui est ; et déchoir de la vérité, c’est déchoir de l’être. Si donc la vérité, c’est ce qui est, et si renier la vérité, c’est renoncer à l’être, Dieu ne saurait renoncer à l’être ; car il n’est pas non-être : absolument comme si l’on disait que Dieu ne peut pas ne pas pouvoir, qu’il ne saura jamais par expérience ce que c’est qu’ignorer quelque chose. Or, notre habile homme n’a pas compris cette solution : pareil à ces athlètes qui ne sont point encore entrés en lice, qui se figurent avoir devant eux de débiles antagonistes, et dans la ferveur d’un mâle courage, s’escriment avec des adversaires absents, et frappent les airs de coups

  1. II. Timoth., 2, 13.