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LXXXVI
INTRODUCTION.

force morale subjuguant, sans aucun prestige de richesse, de gloire et de génie, des âmes que l’enivrement du pouvoir et de la volupté semblait avoir corrompues sans retour. Certes, c’était pour l’observateur un sujet de graves réflexions, que cette stérilité de la force matérielle, qui trouvait dans son extension même et dans son développement d’inévitables dangers et une condition prochaine de ruine, et qui d’ailleurs ne pouvait rien pour le bonheur public et privé, rien pour la véritable gloire de la famille et de la société. Et d’une autre part, n’était-ce pas une instruction saisissante, que cette fécondité de la force morale, qui apaisait la fièvre de toutes les passions, répandait la lumière parmi l’obscurité des esprits, réchauffait les cœurs pleins d’égoïsme au feu inconnu de la charité céleste, et transformait si glorieusement les individus et les peuples, en domptant ce qu’il y a de plus noble et de plus puissant dans l’homme, la conviction ?

Ce qui ajoutait à l’intérêt et à l’utilité de ce double spectacle, c’est que les deux forces dont nous parlons, au lieu d’attendre la chute l’une de l’autre, parmi les douceurs de la paix et de l’indifférence, s’attaquèrent mutuellement avec une formidable énergie, et avec toutes les armes dont elles disposaient. C’étaient deux géants qui avaient pris l’univers pour arène, et qui sous l’œil de Dieu, juge du combat, soutenus et condamnés par le genre humain, où chacun avait son parti, se mesurèrent du regard, se saisirent corps à corps, et se tinrent serrés dans cette étreinte ennemie qui devait durer trois siècles, jusqu’à ce que l’un fût étouffé dans les bras de l’autre. Car, d’un côté, douze bateliers de Galilée, qui avaient osé se partager le monde, s’en allèrent, une croix à la main, la pureté dans le cœur, la prière sur les lèvres, dénoncer aux dieux de César que leur temps était fait ; et soudain les dieux et leurs autels se renversèrent. D’autre part, étonné de cette proscription générale, et dont les effets se produisaient si subitement, l’empire tira l’épée, et de cette épée, dont la lueur sanglante faisait seule pâlir toutes les nations, il