Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/193

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Nous sommes ici trois cents hommes, l’écume de l’armée, le vomissement de tous les régiments, mélange confus de tous les caractères, scories de toutes les classes de la société. On peut trouver de tout, parmi nous, depuis le fils de famille jusqu’au rôdeur de barrières, depuis le lettré jusqu’à l’ignorant, depuis l’ouvrier jusqu’au mendigo tireur de pieds de biche, depuis le travailleur qui ne cane pas devant le turbin jusqu’au trimardeur qui va faire la chasse aux croûtes de pain avec un fusil de toile. Eh bien ! sur ces trois cents hommes, je suis sûr qu’il n’y en a pas vingt qui soient conscients, qui sachent pourquoi ils se sont irrités contre les prescriptions bêtes et les règlements atroces, pourquoi ils se sont soulevés contre la discipline, qui ne soient pas, au fond, des insurgés pour rire, des révoltés à la manque…

La peur les mène encore par l’oreille, ces réfractaires ; la peur, qui soutient tant d’abus et de préjugés pourris qu’on ficherait par terre en soufflant dessus, ― s’ils n’étaient pas étayés par les dos terrifiés d’imbéciles qui ne raisonnent point.