Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/223

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et m’a lancé un regard furieux. Ce n’est pourtant pas de ma faute si ses pustules ne veulent pas guérir et si les hommes de corvée trouvent vide, tous les matins, le Jules qui lui est réservé. La maladie rend irritable et injuste, je le sais bien, mais ce n’est pas une raison pour avoir l’air d’accuser les gens d’avoir jeté un sort sur vos tumeurs et d’avoir enchanté votre S iliaque.


— Vous, vous m’avez l’air de filer un mauvais coton, m’a dit hier le sergent qu’on appelle l’Homme-Kelb ; avec votre air de vous ficher du monde, je crois que vous n’irez pas loin… Et ne me regardez pas comme cela, quand je vous interloque… Je n’en veux pas, de ces coups de z’yeux !…

Il ne veut pas qu’on le regarde, ce sauvage poilu, moulé dans un cor de chasse. Quel dommage ! Il est pourtant bien intéressant à voir, avec sa figure blafarde d’assassin lâche, son nez en pied de marmite où pend une roupie infecte et son poil roux de Judas hirsute qui lui envahit les yeux et cache ses larges oreilles aplaties.

Et le caporal Mouffe, un ignoramus aux yeux morts de poisson vidé, qui a jeté le froc aux orties pour endosser une livrée de geôlier !

C’est lui, ce Mouffe, qui a fait saisir l’autre jour un malade atteint de dysenterie qui, n’ayant pas le temps d’aller au dehors du camp, avait posé culotte à quelques pas de sa tente. Il l’a fait renverser par terre et lui a fait traîner la figure dans les excréments. Il a trouvé un homme pour accomplir cette besogne lâche, un nommé Prey, sorte de brute inconsciente, qui porte ces mots tatoués sur le front : « Pas de chance. » Quand le malade s’est relevé, il avait les