Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/228

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C’est vrai, c’est la faute de l’eau que nous buvons, une eau saturée de magnésie, que les mulets vont chercher à un puits creusé dans une coupure, au pied d’une montagne. Elle débilite d’une façon effrayante, cette eau ; elle vous flanque des diarrhées atroces ― quand ce n’est pas la dysenterie. ― On a toujours l’estomac vide avec cette eau-là. On digère en mangeant. On fait la pige aux canards. Ah ! ils seraient à leur aise, ici, ceux qui prétendent que la liberté du ventre est la première des libertés !

La gamelle ne contient qu’une chopine d’eau chaude sur laquelle flottent deux tranches de pain et qui recouvre un morceau de viande gros comme le pouce. On trouve aussi, quelquefois, tout au fond, une douzaine de haricots qui, après avoir passé vingt-quatre heures dans la marmite, pourraient encore servir pour tuer des piafs, avec une fronde.

« Comme les hommes sont bien nourris, a le toupet d’écrire le capitaine Mafeugnat dans les rapports que le caporal Fleur-de-Gourde, qui fait fonction de secrétaire, nous lit tous les jours, à midi, on peut exiger d’eux une grande somme de travail. Sur les quatre heures de repos ou de sieste, on prendra tous les jours une ou deux heures qui seront consacrées à des travaux nécessaires à l’amélioration du camp. »

Et, quotidiennement, une décision ridicule émaillée de citations latines nous indique l’ouvrage à entreprendre. « Aujourd’hui, le détachement ira faire une corvée de bois ; les hommes seront envoyés de différents côtés, deux par deux. Numero Deus impare gaudet. » ― « Aujourd’hui, le détachement divisé en trois parties coram populo, muni d’outils ex æquo, se rendra sur la route d’Aïn-Halib pour arracher des pierres ad hoc. »