Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/259

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sérénité de tes espoirs. Ce serait si bon, de pouvoir calmer tes peines avec les réminiscences des affections anciennes ! Ce serait…


Mensonge !… Ce n’est pas avec cette huile rance qu’il me faut panser la large blessure que m’ont faite à petits coups les stylets empoisonnés du dégoût et de la solitude. Ah ! je m’en fous pas mal, par exemple, du sourire béat des espérances à gueules plates ! Et comme je m’en bats l’œil, de ne pas avoir roulé ma jeunesse, ainsi qu’un merlan à frire, dans la farine fadasse des épanchements familiaux !…


Ah ! c’est bien le doute qui me fait souffrir, vraiment !… C’est étrange, comme on aime à se tromper soi-même, comme on aime à transformer en palimpseste, aussitôt qu’on en a lu deux lignes, le livre grand ouvert de son cœur !

Car je sais quel est mon mal, à présent. Je la connais, l’affreuse bête qui se démène en moi, qui me surexcite et me torture, et plonge mon esprit dans la nuit. Oh ! il faut que je le hurle, que je fasse retentir mes cris de rage impuissante, comme le fauve qui, la nuit, dans la montagne, les flancs serrés et la gorge sèche, lance vers les étoiles impassibles le rugissement désespéré des ruts inassouvis.


Une vision m’obsède. Un cauchemar me poursuit. Du jour où j’ai commencé à songer à l’amour, j’ai été perdu.

C’est en vain que j’ai essayé d’étouffer le cri à la chair, c’est en vain que j’ai tenté de maîtriser mes crispations angoissantes. Toujours, de plus en plus impérieux, l’appel se faisait entendre, et je frémissais