Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/260

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malgré moi, sursautant au milieu d’une accalmie, ainsi qu’au premier coup de langue de la diane, les dormeurs, réveillés en sursaut, ouvrent les yeux, effarés.

Voilà des mois que cela dure, des mois que je roule ce rocher qui retombe sans cesse sur moi, au milieu des éclats de rire des corrompus qui m’entourent. Elles ont fini par me couper les bras, leurs railleries, et je viens de me coucher à côté du roc que, Sisyphe esquinté, je n’ai même plus la force de soulever.

Ma cervelle est imbibée de luxure. C’est une éponge qu’il m’est impossible de presser sans faire couler à travers mes doigts le pus des passions sales.

L’affreuse image qui s’y est incrustée devient de plus en plus confuse, comme celle d’un objet qui a posé trop longtemps devant l’appareil finit par se brouiller sur la plaque.


Il est des choses que je voudrais taire, des abominations que je voudrais pouvoir passer sous silence. Je ressemble à l’un de ces arbres malingres et rabougris, couverts de végétations hideuses, de lèpres ignobles, de mousses galeuses, qui se tordent au fond d’un ravin sans air, au bord d’un fangeux marécage, et qui, plantés dans la vastitude solitaire de la plaine ou dans le resserrement fraternel de la forêt, auraient crevé le ciel libre de la saine poussée de leurs branches.


Ah ! oui, je voudrais qu’ils se cachent, les infâmes qui, à mes côtés, se prêtent à la satisfaction des désirs que la privation de femmes a surexcités ! Je voudrais qu’ils se cachent, car il y a longtemps déjà