Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/74

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dans tout le temps ?… Enfin, vous avouerez que, moi, je n’y ai pas mis de méchanceté. Je n’ai même pas voulu aller dire ce que j’aurais été forcé de raconter ; je ne pouvais pas jurer que vous êtes un ange, n’est-ce pas ?… Et puis, cette idée d’aller engueuler ces messieurs, là-haut, à la Kasbah ! Sacrédié ! Il faut avoir diablement envie de casser des cailloux à un sou le mètre, avec un maillet en bois !… Donnez-moi une poignée de main tout de même, allez ! mauvaise tête…

Je me suis retiré dans le gourbi du corps de garde où, jusqu’à dix heures, les camarades sont venus, par groupes ou isolément, me faire leurs adieux et me remonter le moral. Ils ont une façon à eux, par exemple, de vous remonter le moral ; ils vous remontent ça à tour de bras, et allez donc ! Ils n’ont pas peur de casser le ressort.

— Il faut bien te figurer une chose, c’est qu’aussitôt arrivé là-bas, tu vas voir tout le monde te tomber sur le dos. On va te commander des choses impossibles, te faire faire des corvées abominables ; tiens, j’ai entendu dire qu’ils distribuaient aux nouveaux arrivés des manches à balais, ― tu entends, des manches à balais, ― et qu’ils les forçaient à balayer le camp avec ça. Aussitôt que l’un d’eux se permettait de dire au chaouch : « Mais je ne peux pas balayer avec un morceau de bois, » le chaouch le mettait en prison.

— Oui, ajoute un autre, rien de plus vrai. Ou bien, on les oblige à compter les cailloux du camp ou à arroser des poteaux jusqu’à ce qu’il y pousse des feuilles. À la moindre réflexion, au bloc. Tout ça, c’est pour s’assurer du caractère des individus qu’on leur envoie. Si vous avez le malheur de renauder le premier jour, vous êtes classés parmi les mauvaises