Je le suis, en chemise, mes effets sous le bras. Il me fait entrer dans une baraque dont la porte est surmontée d’un écriteau portant ces mots : « Magasin d’habillement ». Tout le long des murs courent des rayons chargés d’uniformes, de linge, de gros paquets enveloppés de papier gris ; au plafond sont suspendus des sacs, des ceinturons, des ustensiles de campement.
— Encore un ! hurle un sous-officier qui, tout au fond, écrit sur un gros registre. On n’en finit jamais avec ces salauds-là. Flanquez-moi vos affaires dans un coin. Ça a l’air encore joliment propre, tout ça ! Plein de poux, au moins… Arrivez ici, nom de Dieu !
Il me jette à la figure un pantalon, une veste et une capote.
— Essayez-moi ça.
J’enfile le pantalon. Un pantalon de prisonnier, en drap gris, tout uni. J’endosse la capote, grise aussi, avec des boutons de cuivre sans grenade, sans numéro ; au collet éclate un gros 5 en drap rouge. Il n’y a pas de glace dans la baraque et je le regrette. Je voudrais bien pouvoir me regarder un peu. Je dois ressembler à un pensionnaire de Centrale. Il ne me manque plus que le bonnet.
— Attrapez ça.
Je reçois en pleine poitrine une chose en drap gris ― toujours ― dont je ne m’explique pas bien la nature. Je finis par m’apercevoir que c’est un képi. Un képi extraordinaire, par exemple. Très haut de forme, sans boutons, sans jugulaire, un 5 rouge simplement collé sur l’étoffe grise, orné d’une visière fantastique. Elle a au moins dix-huit centimètres de long, cette visière ; c’est un carré de cuir d’une épaisseur extravagante dans lequel un cordonnier intelligent trouverait moyen de découper une paire de