Page:Darien - L'ami de l'ordre, 1898.djvu/10

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n’ayez pas décroché le vieux fusil dont vous vous êtes servi en Vendée et en Italie, pour aller combattre les Bleus.

MONSIEUR DE RONCEVILLE.

Pour qui me prenez-vous, mon cher curé ? Vous savez bien qu’aujourd’hui il n’y a plus ni Blancs, ni Bleus. Il n’y a plus que des Rouges — plus ou moins rouges, plus ou moins roses — qui se gourment entre eux. C’est une lutte d’instincts sauvages en révolte ; une lutte d’appétits. Que voulez-vous que ça me fasse, à moi, ces combats entre démocs-socs et bourgeois, cette guerre entre l’Une et Indivisible et la Sociale ? Ça me laisse froid, absolument froid. Je suis partisan du trône et de l’autel. Je défends, par tous les moyens en mon pouvoir, le trône et l’autel. Voilà tout. Vous me connaissez, monsieur le curé. Depuis de longues années, j’habite le quartier, où je vis dignement, je crois, de mes petites rentes. On m’y estime, paraît-il ; ça m’est égal. Je ne tiens qu’à une estime : la mienne. Chaque fois que les principes que je soutiens se sont trouvés en péril, ont essayé de s’affirmer, je me suis levé pour les défendre. Mon morceau de pain me suivait, et je luttais jusqu’au bout. J’ai combattu en Vendée avec la duchesse de Berry ; j’étais à la Pénissière ; en Italie, contre Garibaldi, pour soutenir les Bourbons de Naples ; à Castelfidardo, avec Lamoricière, pour soutenir le Pape. J’ai été blessé trois fois. Mais ça !… Cette révolte des maigres contre les gras, des ventres pleins contre les ventres vides !… Cette guerre de canailles en redingotes contre des canailles en blouses !… Quelle pitié ! Qu’ils se mangent entre eux, les gredins… Voyez-vous, monsieur le curé, en guillo-