Page:Darien - La Belle France.djvu/136

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honteusement, sous des prétextes lamentables, quitte à recommencer leurs insultes dès qu’ils se trouvent à l’abri. Il est nécessaire, hélas ! de parler ici du dernier — en date — de nos repliés en bon ordre, le nommé Marchand. Je suis peut-être, malheureusement, seul de mon avis en France ; mais je pense que la conduite du personnage, à Fashoda, fut loin d’être héroïque. Fort loin. Quand un homme a accepté la mission (d’ailleurs ridicule) dont il s’était chargé ; quand cet homme appartient à une caste dont le seul souci est de défendre ses propres intérêts et ceux de l’Église, et non ceux de la nation ; quand cet homme garde au fond du cœur les sentiments bas qu’on lui voit afficher dès son retour, tendances grossièrement réactionnaires, haine ignorante et imbécile de l’étranger ; quand cet homme professe la croyance la plus absolue dans ce code de l’honneur militaire qui n’est qu’un formulaire de sauvagerie, mais dont on prêche la grandeur au peuple ; quand cet homme, dis-je, se trouve en présence de ceux qu’il considère comme ses ennemis, comme les ennemis de sa caste, et injurie en cette qualité, sans trêve ; alors, son devoir n’est point d’aller demander des avis et de prendre des ordres, mais de commander à ses soldats de charger leurs fusils ; son devoir, si l’ennemi s’approche, est de lui envoyer des balles. Monsieur Marchand, au lieu de balles, fit envoyer des salades à Lord Kitchener. Le code de l’honneur militaire restant muet au sujet des salades, des légumes en général, et ne les comprenant point parmi les projectiles à diriger contre l’ennemi, je suis obligé de croire que Monsieur Marchand n’est point resté fidèle à ce code de l’honneur militaire dont il est l’un des premiers souteneurs. Les larmes mêmes versées à la vue du d’Assas, bien qu’elles m’émeuvent comme il convient, ne me font point oublier les salades. Le souvenir des salades me hante lorsque je pense à M. Marchand (ce qui m’arrive tout de même, de temps en temps), et m’empêche, à mon grand regret, de croire à son héroïsme. Non, vraiment, je ne crois pas que M. Marchand soit un héros ! Comme Français et même comme