Page:Darien - La Belle France.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’empêche elle-même d’ajouter foi à la réalité de sa décomposition. Elle présente, par ses démonstrations tapageuses, un sujet d’admiration à la naïveté des foules ignorantes ; parvient à leur faire prendre ses ramollots et ses don Juans à corsets pour des modèles de force physique et d’élégance masculine ; leur fait applaudir, en ses badernes hors d’âge et ses Saint-Cyriens bouffis d’orgueil, les pères nobles et les jeunes premiers du patriotisme autorisé, gueulard et prudent, tonitruant et inoffensif.

Voilà de beaux résultats ; et l’armée, dans son état actuel, les produit sans difficulté. Il faut ajouter qu’elle n’en produit pas d’autre. Jusqu’ici, on admettait que la fonction d’une armée était de se préparer à la lutte, et de faire la guerre ; on a démontré, aujourd’hui, l’absurdité de cette hypothèse. Une armée existe simplement afin de conserver la paix, à n’importe quel prix ; afin de n’être jamais prête à la lutte ; et de ne point faire la guerre. Ne point faire la guerre, là est l’important. Il est bien entendu que les expéditions coloniales, nécessaires à l’éclosion de la graine d’épinards, à l’enrichissement des honnêtes gens en redingotes ou en pantalons garance qui ne voient dans l’extension de la France au-delà des mers que le triomphe de leurs ignobles combinaisons, ne sont point comptées comme guerres. On les célèbre ainsi qu’il convient — comme il convient à ces lâches et cupides sauvages qui s’appellent des civilisés ; — c’est ainsi que Monsieur Hanotaux n’hésita point à déclarer que la conquête de Madagascar par le Père (jésuite) Duchêne devait être mise en parallèle avec la conquête des Gaules par Jules César ; Monsieur Hanotaux a la fourchette, pour les comparaisons ; mais, malgré tout, en dépit du nombre prodigieux de vies françaises qu’elles dévorent, les expéditions coloniales ne sont point considérées comme des guerres, et sont par conséquent permises à l’armée. Elles sont même préconisées, comme exercices utiles, par des gens influents et qui seraient sans doute désintéressés si l’existence n’avait pas ses nécessités inéluctables ; elles sont recommandées, par exemple, par M. Étienne dont la