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les cerveaux féminins et qu’exaspère la hideur de la vie actuelle. Par le souci de sa toilette, de l’intime décor dans lequel elle vit, la femme d’argent établit sur les autres femmes une suprématie moins bête en somme, moins laide, que celle que l’homme d’argent établit sur les autres hommes. Elle cherche, dans la mesure du possible, à réaliser l’idéal qu’elle se fait d’elle-même ; au moins en apparence ; elle se met, extérieurement puisqu’il ne lui est point permis de le faire autrement, en harmonie avec son moi. Et voilà ce que l’homme ne sait pas faire.

La prétention des hommes à une grande supériorité sur les femmes est simplement grotesque. Leur immense vanité les empêche de voir que cette supériorité consiste à placer un carcan au cou d’un être qui leur met à son tour des menottes aux poignets ; après quoi ils n’ont plus qu’à tourner en rond, ensemble, au bout d’une chaîne bénie par l’église, dans l’ornière qu’a creusée la tradition. La présomption de l’homme l’aveugle au point de ne pas lui laisser soupçonner l’énorme mépris, souvent saupoudré de compassion affectueuse, que la femme mariée la plus honnête, elle-même, a si souvent pour son mari. Mépris justifié. La sottise dont l’homme fait preuve généralement, le rendrait simplement pitoyable ; mais son outrecuidante infatuation le rend profondément contemptible, — d’autant plus que, les droits qu’il s’arroge, il les fait valoir avec cruauté ; qu’il se montre, non seulement maître glorioleux et imbécile, mais tyran implacable. Le plus ridicule, c’est que, pris individuellement, les hommes font rarement preuve de férocité, et qu’il arrive, même fréquemment, que leur conduite vis-à-vis de leurs femmes dépasse les bornes de la pusillanimité. C’est seulement pris en masse, lorsque l’agglomération de leurs impuissances donne une force rageuse et maladive à la superstition de leurs privilèges, c’est seulement lorsque ces fantoches, les hommes, se transforment en ce tortionnaire, l’Homme — qu’ils manifestent dans toute la hideur de son exclusivisme leur appétit d’autorité.

La femme est le seul être qui, sous la domination des-