Page:Darien - La Belle France.djvu/228

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Kutusow vint lui porter à Borodino, il persista à se diriger sur cette ville dans laquelle il fit son entrée le 15 septembre. La population, ne s’attendant point à son arrivée, n’avait fait que des préparatifs sommaires et l’accueil, bien que cordial, manqua d’enthousiasme. Cependant, les habitants prirent leur revanche quelques jours plus tard et offrirent à l’armée française des illuminations dont le souvenir n’est pas près de s’éteindre ; la pièce principale du grand feu d’artifice, organisé par le célèbre pyrotechnicien Rostopchin, et qui représentait la défense de Numance, eut un succès prodigieux ; de bons juges la considèrent comme le modèle du genre. Napoléon, pourtant, un peu froissé de voir que le tzar, malgré les avances qu’il lui faisait, tardait à le rejoindre — et se doutant bien qu’un jour ou l’autre il le rencontrerait à Paris — prit le parti de revenir en France. Pendant cette marche en retour (qu’on a improprement nommée une retraite), un grand nombre de Français, charmés de l’accueil qui leur était fait par les Cosaques, et sensibles à l’attrait qui se dégage des neiges éclatantes de ce merveilleux pays, prirent le parti de rester en Russie. L’Empereur, quoique comprenant à merveille le sentiment qui les guidait, ne pouvait les autoriser ouvertement à agir ainsi ; mais, ne voulant nullement s’opposer à ce qu’il considérait au fond comme un acte de haute politique, il prit le parti de quitter l’armée. Auparavant, afin de reconnaître les bons offices des Cosaques, il donna l’ordre de leur abandonner, au pied de la colline de Ponari, les bagages et l’artillerie de l’armée ainsi que les caisses du trésor. Ces dons en espèce et en nature ne constituaient qu’une simple avance sur les emprunts que la France devait souscrire plus tard, mais la délicatesse avec laquelle ils étaient présentés en augmentait le prix. Les Russes le sentirent bien ; et s’arrangèrent de façon à ce que leurs sentiments de reconnaissance ne pussent point être mis en doute. Ils redoublèrent d’attentions, jusqu’à la frontière, dans leur escorte des Français auxquels ils faisaient une conduite courtoise depuis Moscou, et à qui ils indiquaient la route à suivre par des simulacres d’attaques