Page:Darien - La Belle France.djvu/302

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la misère qu’il eût fallu guillotiner ; et ils l’ont laissée vivre. Je ne peux pas oublier ça. C’est tellement affreux, tellement infect, et tellement criminel d’être pauvre, de rester pauvre !

Et, voici : parce que vous avez été des dupes, parce que vous avez consenti à rester pauvres, votre esclavage a été augmenté. Les armes de liberté que le Destin avait préparées pour vous, se sont tournées en instruments de servitude. La Vapeur vous a subjugués. À l’appel de son sifflet vous êtes accourus, en grande hâte. Elle vous a parqués comme des bêtes. Elle vous a enchaînés dans son bagne. Elle vous a craché à la figure le poison de son haleine et sa salive empestée. Elle a noirci vos corps, noirci vos âmes. Elle vous a jetés à l’alcool. Elle vous a bâti les grandes villes, qui vous pompent, mâles et femelles, avec leurs tentacules à bubons ; où l’on semble avoir honte du travail misérable et du plaisir plus misérable encore ; où l’on vit dans des égouts, dans des cloaques, dans des puisards ; où il y a des églises qui déclarent qu’il y aura toujours des pauvres ; où il y a des écoles qui affirment que l’homme des cavernes était un sauvage, et que l’homme des tavernes est un civilisé. Et le soleil a disparu. Il a disparu sous la fumée.

Mais, voici : le mystère d’une lumière nouvelle s’est dévoilé tout d’un coup ; le mystère d’une manifestation en clarté des réalités sidérales, des nécessités universelles. On a vu ce que l’œil n’avait pas vu, parce que l’œil n’avait pas su voir. L’éternel Prométhée a perçu la lueur, en a deviné le secret, en a fixé un rayon : et de ce rayon il a fait un luminaire qui grandit sans cesse, et qui éclaire les efforts qu’il tente pour rompre complètement les liens qu’il a commencé à briser. C’est aux dieux que Prométhée avait dérobé la première étincelle ; et ce feu céleste qu’il avait apporté au monde, bien qu’il eût perdu, sous l’haleine du demi-dieu qui l’attisait, beaucoup des pouvoirs néfastes qu’il devait à son origine divine, ce feu s’attesta funeste, et de plus en plus funeste, à l’humanité qu’il devait servir. Il consuma les sacrifices offerts aux